Martine, ne sort plus de chez elle. Quand les particularités sensorielles entraînent des troubles du comportement

Vignette clinique n°3 – Sensorialité

Parlons de Martine, femme adulte agée de 30 ans. A l’aube de sa vie d’adulte, Martine décompense, les premières crises clastiques apparaissent. Martine agresse verbalement et physiquement les personnes qui autour d’elle toussent ou se raclent la gorge. Ses parents sont démunis, Martine est en souffrance, elle n’arrive pas à se maîtriser. Entendre ces sons la déstabilise au point qu’elle perde tous ses moyens. Chaque sortie du domicile est une épreuve : et si Martine agressait un inconnu parce qu’il a un rhume ?

Sur les conseils de son psychiatre, Martine est orientée vers une psychomotricienne. Voilà 4 années que Martine et ses parents subissent cette hypersensibilité sensorielle au moment de notre rencontre.

Si chez certains entendre un son désagréable peut les pousser à se boucher les oreilles, chez d’autres, les particularités sensorielles entraînent des troubles du comportement et une souffrance du patient et de son entourage.

La psychomotricienne rencontre Martine à son domicile accompagnée de ses 2 parents. A partir des profils sensoriels existant, cette psychomotricienne réalise une anamnèse et un questionnaire sensoriel pour proposer un projet de soin à cette famille.

Martine présente une perception de son schéma corporel fragile et une image du corps morcelée. Sa perception du monde réel est entravée par un imaginaire projectif. Elle présente une hyper-réactivité aux bruits de gorge d’autrui : toux, raclements.

Les séances de psychomotricité se déroulent au domicile de la patiente. Le projet de soin s’appuie sur l’utilisation de la relaxation comme médiation corporelle pour atténuer son anxiété tout en favorisant les expériences sensori-motrices et la perception de soi.

L’objectif est d’accompagner la patiente à mettre en mouvement son corps et ainsi d’enrichir ses éprouvés corporels et sensoriels. Ceci permettra de favoriser l’intégration de son enveloppe corporelle unifiée et de son schéma corporel, dans l’objectif de l’accompagner vers une nouvelle perception de soi et par la suite des autres.

Le suivi en psychomotricité permet en second temps d’accompagner Martine à devenir actrice en réalisant elle-même les bruits qui la dérangent chez autrui pour qu’elle puisse se faire une représentation concrète de ce que cela fait et pourquoi cela se passe chez l’autre. En effet, cette patiente a aujourd’hui peur de tousser.

Les séances de psychomotricité débutent et l’anxiété de Martine s’atténue au fil des séances. Un temps est consacré à la fin de chaque séance pour échanger avec son entourage et donner des conseils pour détourner les comportements hétéro-agressifs, les rendre plus acceptables et moins dangereux : frapper dans un punchingball, s’isoler, se recentrer sur sa respiration.

Faire semblant de tousser ou accepter que sa psychomotricienne se racle la gorge est initialement impossible à envisager pour Martine. Une habituation très progressive est proposée : la respiration, souffler, siffler, gargariser en se brossant les dents, imiter le son des animaux, autant de propositions différentes qui permettent progressivement la mise en mouvement et la désensibilisation auditive de Martine.

L’habituation très progressive aux différents bruits et sons permettent aujourd’hui à Martine et ses parents de vivre plus sereinement.

Après 6 mois de séances hebdomadaires de psychomotricité, aujourd’hui, Martine a réussi à faire semblant de tousser et de racler sa gorge, elle a ri quand elle a entendu sa psychomotricienne tousser…

 

Bibliographie :

  • [1] ABADIE et Al, Attention à mon oralité ! Groupe oralité de l’hôpital Necker-Enfants Malades, 2008
  • [2] BOUDOU M et LECOUFLE A, Les troubles de l’oralité alimentaire : quand les sens s’en mêlent!, 2015
  • [3] BULLINGER A, Le développement sensori-moteur de l’enfant et ses avatars – Tome 2, Erès, 2017
  • [5] GENTAZ E, Du toucher au sens haptique manuel. Dans La main, le cerveau et le toucher, Dunod, 2018, 9-14
  • [6] http://plasticite-cerebrale.tripod.com/homonculus.htm
  • [7] THIBAULT C, Orthophonie et oralité, la sphère oro-faciale de l’enfant, Masson, 2017

 

Pour aller plus loin…

  • GOLSE B & SIMAS R, La bouche et l’oralité dans le développement : entre explorations et ressenti, entre cognition et émotions. Dans B. GOLSE, 5ème ed, Le développement affectif et cognitif de l’enfant, Elsevier Mason SAS, 2015
  • PRETET M, Approche psychomotrice pour panser les troubles de l’oralité chez l’enfant, Mémoire de Psychomotricité, Juin 2020