Qu’est-ce que la sensorialité ?
Le terme sensorialité se réfère au système sensoriel. Ce dernier est composé de l’ensemble des organes des sens et de l’ensemble des structures nerveuses qu’ils mettent en jeu et des messages qu’ils véhiculent.
D’après le philosophe MERLEAU-PONTY « tant que j’ai des fonctions sensorielles, un champ visuel, auditif, tactile, je communique déjà avec les autres » [3]. C’est-à-dire que la seule capacité à user de nos fonctions sensorielles nous permet déjà d’entrer en relation avec autrui. Cela permet de comprendre la définition de la sensorialité du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales qui dit que la sensorialité est une sensibilité d’ordre psychophysiologique ; c’est l’ensemble des fonctions du système sensoriel.
Nous distinguons trois sortes de sensibilité(1):
- Extéroceptive qui recueille les informations provenant de l’environnement extérieur à l’aide de nos 5 sens : toucher, odorat, goût, audition et vue. Ces systèmes sensoriels se développent selon cet ordre invariable au cours de la vie intra-utérine et sont tous fonctionnels à la naissance (à terme), même si par exemple la vue n’est pas tout à fait mature.
- Intéroceptive qui recueille les informations provenant des modifications internes de l’organisme, notamment au niveau des viscères : estomac, intestins, poumons (faim, douleur, soif…)
- Proprioceptive et vestibulaire : la proprioception ou sensibilité profonde nous renseigne sur la position relative des parties du corps et sur les déplacements segmentaires. Le système vestibulaire est appelé organe de l’équilibre et nous renseigne sur l’orientation spatiale de notre corps, stabilise notre champ visuel et permet les ajustements posturaux.
La sensorialité dans le développement de l’enfant
Au départ, le bébé vit ses « multiples expériences sensorielles, somatiques et émotionnelles » de manière « éclatées, non liées entre elles ». Ce n’est que progressivement que ces expériences vont prendre sens et permettre la construction d’une représentation de Soi et du monde. J. PIAGET nomme la mise en relation entre différentes modalités sensorielles « l’inter-sensorialité » [5].
Les sens sont indispensables pour adapter notre comportement à notre environnement. Les fonctions sensorielles ont un rôle dans la perception de l’espace et dans la perception que le sujet a de lui-même. En effet, nos sens nous informent sur nous-même mais aussi sur notre environnement avec lequel nous sommes en constante interaction. Tout passe par les sens et ce n’est qu’après que tout s’élabore. L’intégration de l’espace, du temps, du schéma corporel et la construction de son identité, se mettent en place progressivement et s’appuient sur les informations reçues des différents canaux sensoriels.
L’organisation du traitement sensoriel :
Tout ce que l’environnement va apporter comme information à l’individu peut être une stimulation sensorielle que celui-ci va traiter. À partir de là, il pourra donner une réponse comportementale adaptée. Nos récepteurs sensoriels sont disséminés dans notre corps. Prenons l’exemple d’un stimulus visuel ; l’information va être reçue et subir un premier traitement au niveau de l’œil, puis envoyée vers le cerveau pour interprétation et mémorisation. Ce schéma théorique est retrouvé pour toutes les informations sensorielles.
Le stimulus sensoriel est capté par les récepteurs, l’information est acheminée par le système nerveux périphérique au système nerveux central. Le système nerveux central le reçoit, le traite et y répond de manière adaptée. C’est un vrai processus neurophysiologique. Pour cela quatre étapes sont nécessaires : la réception, la modulation, l’intégration et l’organisation motrice de la réponse à l’information sensorielle.
Le traitement c’est recevoir et détecter le stimulus qui est capté par nos différents récepteurs sensoriels, la modulation est la priorisation des stimuli (porter l’attention sur certains stimuli), l’intégration (la mémorisation des informations sensorielles pour appréhender la sensation qu’implique le stimulus), puis l’organisation motrice (la réponse, le comportement suscité par les informations sensorielles).
L’intégration sensorielle correspond au processus neurologique qui organise les sensations reçues du corps et de l’environnement pour ensuite utiliser son corps de manière efficace. C’est l’ergothérapeute américaine J. AYRES qui a conceptualisé la théorie de l’intégration sensorielle.
La place de la sensorialité dans la pratique psychomotrice ?
S’intéresser à comment les sujets ressentent, perçoivent et vivent l’information sensorielle est donc primordial en psychomotricité. En effet, l’approche psychomotrice réside dans la recherche d’un investissement positif du corps et cela ne peut pas se réaliser sans la découverte et l’appréhension de la sensorialité. Comme le souligne A. BULLINGER pour « Habiter son corps », cela « suppose que l’on maîtrise les sensations qui arrivent aux frontières de l’organisme » [1].
La sensorialité peut être cause et conséquence d’un trouble, qui peut alors justifier une prise en charge psychomotrice.
Les troubles sensoriels sont multiples et peuvent se manifester à différentes étapes du traitement de l’information :
- Les déficits sensoriels (surdité, cécité) correspondent à l’étape de la réception,
- L’hyper et l’hyposensibilité entraîne une problématique de la modulation,
- L’appréhension d’aller chez le coiffeur, d’aller à la douche, peut être liée à un défaut d’intégration (la personne est incapable de reconnaître un stimulus récurrent, il ne peut anticiper sa manifestation),
- Les troubles praxiques (planification et coordination des mouvements) et les désordres posturaux (équilibre, schémas moteurs, coordination entre les deux côtés du corps) peuvent correspondre à la problématique de l’organisation des informations sensorielles, la personne ne parvient pas à utiliser l’information sensorielle dans un projet moteur.
Lorsque l’intégration sensorielle ne se fait pas ou mal, cela peut impacter les comportements de l’enfant, sa façon d’être au monde, son schéma corporel, ses interactions avec les autres, ses capacités d’apprentissages, en somme tout son monde peut être perturbé.
On retrouve également des particularités sensorielles dans certains troubles neurodéveloppementaux comme dans le Trouble du Spectre de l’Autisme, le Trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité ou les Troubles des apprentissages, etc…
Les psychomotriciens possèdent, dans leurs mallettes personnelles et selon leurs formations complémentaires, plusieurs bilans spécifiques pour évaluer la sensorialité de leurs patients :
- Profil sensoriel de Dunn
- EPSA
- Le profil sensoriel et perceptif de O. BOGDASHINA
- Le bilan sensori-moteur de A. BULLINGER
- Senso-Eval
Les vignettes cliniques
De manière non exhaustive, le travail du psychomotricien consiste à proposer diverses situations et médiations qui mettent en jeu les sens pour amener les sensations vers la perception puis vers les représentations de soi et de l’environnement.
Plusieurs cas cliniques vous sont présentés :
- Roméo, quand sensorialité et trouble de l’attention se rejoignent
- Camille ou l’intérêt de la prise en compte de l’oralité dans le développement psychomoteur
- Martine, ne sort plus de chez elle. Quand les particularités sensorielles entraînent des troubles du comportement
Bibliographie (partie 1)
[1] BULLINGER A, Le développement sensori-moteur de l’enfant et ses avatars – Tome 2, Erès, 2017
[2] Dictionnaire Larousse
[3] https://www.cnrtl.fr/definition/sensorielle
[4] LATOUR A-M, La pataugeoire : contenir et transformer les processus autistiques, Erès, 2007
[5] Manuel d’enseignement de psychomotricité -Tome 1, Concepts fondamentaux, De Boeck Supérieur SA, 2015
[6] POTEL C, Etre psychomotricien, Eres 2015
(1) Propriété, que possèdent certaines parties du système nerveux, de recevoir, de transmettre ou de percevoir des impressions, lexique du psychomotricien.