Rééducation de l’écriture : Interview d’un psychomotricien

Quelle est votre rôle, en tant que psychomotricien, dans la prise en charge des troubles de l’écriture ?

Le psychomotricien possède dans sa formation toutes les compétences pour évaluer et rééduquer les troubles de l’écriture.

Il va s’intéresser aux aspects :

  • gestuel (graphomotricité),
  • spatial (orientation et organisation des lettres, gestion de l’espace de la feuille),
  • attentionnel (rythme du geste graphique, situation de copie),
    … de l’écriture

Le psychomotricien connait parfaitement le développement psychomoteur de l’enfant (pour en savoir plus) ce qui lui permet de comprendre la construction du geste graphique et le cas échéant les causes de l’installation d’un trouble de l’écriture.

Son bilan complet permettra de confirmer qu’il existe le trouble de l’écriture et d’en comprendre la cause, un trouble de l’écriture étant rarement isolé.

Il pourra ainsi proposer des pistes de rééducation adaptées à chaque enfant et à chaque pathologie car selon les causes, le projet de rééducation ne sera pas le même.

 

L’intervention du psychomotricien dans les troubles de l’écriture est-elle réglementée ?

La psychomotricité est reconnue par le ministère de la santé. La rééducation des troubles de la graphomotricité figure dans le décret de compétences du 6 Mai 1988 qui définit le champ d’action des psychomotriciens dans le registre des auxiliaires médicaux. Nous agissons donc sous prescription du médecin.

 

Le psychomotricien travaille -t’il avec d’autres professions de santé ?

La rééducation de l’écriture par le psychomotricien peut parfois se coordonner à d’autre prises en charge qui viennent compléter, lorsque nécessaire, le travail du psychomotricien (rééducation orthophonique pour les troubles du langage écrit, rééducation en ergothérapie pour des moyens de compensation, rééducation en orthoptie pour les troubles neurovisuels…). Le psychomotricien travaille en collaboration étroite avec ces professionnels de santé et les médecins prescripteurs.

 

Mon enfant est t’il trop âgé pour suivre une rééducation de l’écriture en psychomotricité ?

S’il est vrai qu’une prise en charge précoce en psychomotricité permet très tôt (âge préscolaire ou maternelle) de soutenir le développement du geste graphomoteur et prévient l’apparition des troubles de l’écriture, le psychomotricien peut néanmoins soutenir l’écriture à tout âge.

Selon l’âge du patient, l’intervention du psychomotricien sera différente. L’examen de l’écriture peut être envisagé en fonction de 5 périodes :

  1. Avant la lecture qui correspond à la moyenne et grande section de maternelle et au tout début du CP
  2. La période d’apprentissage correspondant au CP et au CE1 (1ère et 2ème année primaire)
  3. La période de consolidation correspondant aux trois dernières années des classes primaires
  4. Le collège
  5. L’âge adulte

Les axes de travail seront mis en place suivant la période dans laquelle se trouve le patient et la nature de ses difficultés.

 

Comment le psychomotricien va-t’il construire son projet de soin ?

En s’appuyant sur les différentes informations que le bilan psychomoteur aura mis en avant, et suivant l’âge du patient, le psychomotricien va dégager des axes de travail et construire une prise en charge permettant d’une part d’appréhender le patient dans sa globalité et sa singularité, et d’autre part de répondre au besoin d’amélioration de l’écriture du patient.

En s’intéressant au développement du geste graphomoteur on comprend que derrière la plupart des troubles de l’écriture, il existe des troubles psychomoteurs sous-jacents tels que :

  • trouble de la coordination entre les deux mains et/ou entre la main et l’œil,
  • trouble du repérage spatial et temporel,
  • trouble de la construction de l’axe corporel, trouble du tonus).

Souvent, ces troubles psychomoteurs se retrouvent regroupés dans un syndrome dont le médecin pédiatre, neuropédiatre, psychiatre peut confirmer le diagnostic.

 

Pourquoi peut-il être problématique de ne pas avoir consulté un psychomotricien en cas de trouble de l’écriture ?

Parce que le psychomotricien est formé à repérer l’origine du trouble de l’écriture. Par exemple, il peut repérer que derrière l’écriture il y a un problème de latéralité chez l’enfant (ex : enfant qui n’écrit pas avec sa main dominante) ou bien que son trouble est plus vaste (ex : trouble du spectre autistique). Ces exemples sont des situations que j’ai pu rencontrer à mon cabinet. Dans ces cas, il ne s’agira pas seulement de rééduquer l’écriture…

 

Quels sont les principaux syndromes associés au trouble de l’écriture ?

  • trouble développemental des coordinations (ou encore « TAC » ou plus communément « dyspraxie »),
  • trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (« TDA/H »),
  • dysphasie, dyslexie,
  • trouble du spectre autistique,
  • trouble sensoriel (cécité, surdité, autre),
  • trouble neurologique,
  • maladie orpheline,
  • maladie génétique.

Mon enfant n’a aucune pathologie particulière, peut-il malgré tout avoir des troubles de l’écriture ?

En effet, les troubles de l’écriture ne sont pas toujours associés à des pathologies, on peut les retrouver dans certains « profils » développementaux tels que :

  • La précocité intellectuelle (enfants dits « HPI »)
  • L’immaturité psychomotrice
  • Les troubles anxieux
  • L’immaturité psycho-affective

Pourriez-vous me décrire une séance type ?

Les séances de psychomotricité se veulent avant tout ludiques afin d’obtenir une bonne adhésion de l’enfant et lui permettre d’être acteur de son soin.

L’enfant doit percevoir, sentir et analyser ce qu’il se passe dans son corps lorsqu’il écrit afin de pouvoir améliorer son geste graphique et s’approprier ce travail dans son quotidien : c’est en ayant conscience de son corps et en le mettant en jeu que l’enfant va construire son geste graphique qui évoluera vers ce que l’on qualifiera d’écriture « aboutie » (vers 10 11 ans).

Le psychomotricien va donc se baser sur une approche consciente. Il va décoder avec l’enfant les stratégies gestuelles, posturales, spatiales et attentionnelles mises en jeu dans l’écriture afin de donner des repères à l’enfant.

Les séances vont souvent commencer par un temps dit de « grande motricité » dans la salle de psychomotricité pour progressivement se déplacer vers l’espace plus restreint du bureau, avec le support du papier et du crayon et la position assise.

Parfois, une étape de transition va être le tracé en position debout, sur un grand tableau par exemple, pour exercer la posture et permettre une transition entre l’espace en trois dimensions du jeu moteur et l’espace en deux dimensions de la feuille d’écriture.

Nous faisons alors le lien avec les notions de passage d’une vision périphérique à une vision focale (pour en savoir plus).

Selon les difficultés révélées pendant le bilan psychomoteur, un travail spécifique peut être proposé dans les domaines suivants :

  • Tonus (renforcement du tonus axial à travers des jeux de posture ou d’équilibre, renforcement du tonus des doigts pour prendre et tenir le stylo, prise de conscience des états toniques à travers divers jeux moteurs, travail de la pression du stylo sur la feuille et des variations toniques)
  • Posture (jeux d’équilibre de la prise d’appuis à travers différentes situations motrices ludiques : parcours, jeux devant le miroir, trampoline, position assise sur une chaise, relaxation…)
  • Coordination droite/gauche, haut-bas, devant derrière, œil /main (parcours, jeux d’imitation, jeux de lancer etc…)
  • Schéma corporel (parcours, imitations, mime, travail face au miroir, twister des doigts, écrire les yeux fermés, repères pour la tenue du crayon…)
  • Axe corporel et latéralité (jeux type twister, jeux de ballon, parcours, motricité fine etc…)
  • Repérage et construction spatiale (jeux d’orientation, puzzle, jeux de construction, repérage sur la feuille, verbalisation du tracé de chaque lettre…)
  • Repérage dans le temps et rythmicité (jeux de rythme : démarrer, accélérer, décélérer, s’arrêter, mentaliser pour anticiper, mémoriser). »

Quelle est la qualité principale du psychomotricien ?

Le psychomotricien doit faire appel à sa propre créativité pour « inventer » des jeux et exercices adaptés aux besoins et centres d’intérêt de chaque patient. Ce « savoir-faire » est unique et ne se retrouve dans aucune autre profession paramédicale car il fait partie intégrante de la formation au diplôme d’Etat de psychomotricien.

Merci à Laurence Brillaud-Rix, psychomotricienne diplômée d’Etat, pour ses réponses à nos questions !

Agnès LE FOLL et Julia BIREM-MARCHAL, nos psychomotriciennes « reporters »